Voici un sujet qui sort quelque peu des sentiers des décodages traditionnels des maux et maladies. Mais nos attitudes, nos comportements sont tout autant « décodables » que nos pathologies.
Alors, entrons aujourd’hui dans le monde du looser (ou loser) qui est un anglicisme usuel pour désigner un perdant.
Qu’est-ce qu’un looser ?
Au niveau étymologique, cela désigne quelqu’un dont l’action est vouée à l’échec.
Dans une certaine mesure, nous connaissons tous l’échec. Mais il semble que cette tendance à l’échec répété, voire inéluctable, soit plus exacerbée chez certains individus. Allant même jusqu’à définir leur identité en raison de leur incapacité à réussir concrètement quelque chose sur du long terme. Et conduisant même, certains d’entre eux, jusqu’à la dé-socialisation.
Et la biologie dans tout ça ?
Dans la nature, le gagnant, le plus fort, sera celui qui possède les plus grandes chances de survie. Et cette règle s’applique au monde du vivant dans son ensemble.
Le plus fort échappe mieux au prédateur, il a la possibilité de choisir en priorité avec quel congénère il va se reproduire et peut obtenir les meilleures places pour se mettre à l’abri. Il est donc privilégié doublement : par sa condition physiologique et par le statut que cela lui confère.
Cette place du plus fort suscite donc les convoitises, bien évidemment.
Alors que le perdant, le plus faible, doit se contenter des miettes, doit céder les meilleures places, et sera offert en pâture aux prédateurs. Il est doublement lésé : par sa condition physiologique et par le statut que cela lui confère.
La nature aurait-elle conçu cette dualité pour permettre au monde de s’équilibrer ?
Dans la réalité de notre condition humaine de mammifères sociaux, nous nous organisons spontanément en hiérarchie. Les places dans un groupe se répartissent entre les congénères dont les multiples nuances de fonctionnements permettent de maintenir un ordre social.
Lorsque la balance tire trop d’un côté ou de l’autre, l’ordre social est également déséquilibré et conduit à des situations pouvant être dramatiques. C’est le cas des dictatures ou des sectes, réduisant les rapports entre humains à cette seule équation du dominant-dominé.
On pourrait donc dire que le conflit du looser n’est que l’autre versant du conflit du gagnant. Comme les deux faces d’une même pièce. Il n’est d’ailleurs par rare que des personnes qui sont parties « perdantes » dans leur existence, développent des stratégies pour prendre leur revanche et prouver au monde qu’elles peuvent devenir des « winners ». Elles utilisent alors tous les signes extérieurs et distinctifs de richesse, de pouvoir et de réussite sociale et professionnelle, comme pour masquer ce vers quoi elles craignent tant de se retrouver à nouveau.
Nait-on looser ?
Cette question ouvre le vaste débat de l’inné et de l’acquis.
Nous sommes influencés tant par ce qui nous a été transmis, que par ce que nous vivons.
Nos caractéristiques personnelles, nos choix de vie, de profession, de conjoint, mais aussi nos pathologies, trouvent généralement leur source dans toute l’histoire de notre lignée.
Ensuite, il faut que quelque chose vienne activer ce « programme » dans notre vécu, pour que cela se manifeste.
Ainsi, un looser pourrait avoir un ancêtre lui ressemblant et ayant été, tout comme lui, confronté à des successions d’échecs ou de non réussite.
Mais une période a un impact extrêmement significatif sur le développement de comportements : la période du Projet-sens.
C’est une période qui s’étend de 18 mois avant la naissance à 18 mois après la naissance. Durant ce laps de temps, l’enfant n’est d’abord qu’un projet (ou un non-projet !) de ses parents. Cela influence déjà grandement la valeur qui lui est attribuée. Ensuite, le vécu de la conception, de la grossesse, de la naissance et de premiers mois de vie, va sceller ce ressenti de valoir ou non quelque chose. D’être ou non une réussite aux yeux de ses parents. Sa venue a-t-elle un sens ?
Quelques facteurs qui influencent l’image de soi et peuvent conduire à la dévalorisation :
- Ne pas avoir été voulu par au moins l’un des parents
- Un des parents a souhaité l’avortement durant la grossesse
- Un des parents vivait lui-même un échec important pendant la période du Projet-sens
- Dans la fratrie, il y a un autre enfant qui est davantage aimé de l’un des parents, ou des deux
- La place dans la lignée (être le 2e, par exemple, peut être moins valorisé que la place du 1er)
- Naître fille alors qu’on souhaitait un garçon (ou inversement)
- Être l’enfant d’un parent qui est fortement dévalorisé dans la famille de l’autre parent, non accepté (on devient le rejeton du vaurien !)
- Une dépression post-partum vécue par la mère
- Un parent qui porte déjà en lui ce conflit de réussite à tout prix ou qui est passé lui-même du looser au winner
- …
La liste peut-être complétée. Mais ces éléments sont les ingrédients de base qui vont susciter, chez l’enfant, un sentiment conscient ou inconscient de forte dévalorisation personnelle. Ce sentiment va prendre le contrôle des actions et décisions de la personne. Elle aura tendance, comme par loyauté terrible au sens qui lui a été attribué de naissance, d’inlassablement prouver autour d’elle qu’elle n’était effectivement pas assez bien pour réussir, susciter de l’admiration, avoir des biens, de l’argent, de l’affection. Ce qui entraînera, en retour, des comportements d’exclusion à son égard. Et le cercle vicieux se verrouille.
En conclusion
On naît et on devient perdant. C’est tout un contexte dans lequel la personne est venue au monde, ses expériences et dans l’histoire qui l’a précédée, qui va déterminer son sentiment de valeur, de mérite, de réussite.
Se sortir de cette spirale passe par la mise en conscience de ce mécanisme. Auprès de qui est-ce que je me ressens comme un.e perdant.e alors que j’aimerais être vu.e comme un.e gagnant.e ?
Se sortir de la position de victime implique de ne plus voir le monde de manière polarisée et reprendre la responsabilité de ses actions, de ses échecs et de ses réussites.
Et se voir dans toute son humanité, avec ses forces et ses faiblesses, ses capacités et ses incapacités, mais hors de toute comparaison impossible d’atteindre.
No responses yet